Ne l'oublions pas...
Au début du XIXème siècle, le mouvement parnassien « L’art pour l’art ! » tapait fermement du poing sur la table. Théophile Gautier, qui en fut un de ses plus virulent porte-parole, affirmait que l’art ne devait servir aucune autre cause que lui-même. « Le poëte impeccable et parfait magicien ès lettres françaises » à qui Baudelaire dédiera plus tard ses fleurs maladives, confirmait ainsi, que l'art doit être dépourvu de toute fonction didactique, politique, morale ou utile. Tout ce qui est utile est laid (cf. le balai à chiotte, la serpillère, le k-way, le sac poubelle, ou le gilet fluorescent…).
Aujourd'hui, près de deux siècles plus tard, l'art et la littérature contemporaine ont, la plupart du temps, tendance à ne servir la soupe qu’à de gentilles causes sociétales ; la lutte des classes, l'antiracisme, la justice sociale, les migrants, la théorie du genre, l'anticapitalisme, le féminisme, l’identité de groupe, l’orientation sexuelle, l'écologie, la famille homoparentale, la désobéissance civile, la cause animale, le devenir de la planète, et cætera... et cætera ; du prêchi-prêcha d’aumônier qui nous rassure dans nos certitudes en rabaissant l'art et la littérature au rang moralisateur et « poncifical » du sermon antalgique. Bref, ça n'a aucun intérêt. L'art et la morale n'ont rien à faire ensemble.
Une œuvre artistiquement remarquable peut, éventuellement, porter ou défendre une « noble » cause uniquement si elle se supporte d'abord artistiquement par elle-même. Les œuvres d'art sont, et doivent être – sinon ce n'est pas de l'art – autotéliques, du grec ancien αυτοτελές / autotelés : « qui s'accomplit par lui-même ». En clair, un diamant brut, même taillé dans l’immoralité la plus extrême, demeurera un chef-d’œuvre éternel. Et la merde, bien que pétrie de bonnes intentions moralisatrices, restera inéluctablement de la merde. Ne l'oublions pas.
— Dans mes carnets en vrac / Ceci étant dit, afin que les choses soient dites —