vendredi 2 septembre 2022

California Dreamin’

freeway

« C’est une histoire d’amour et de mort en terre d’or, et elle commence par le pays. La vallée de San Bernardino n’est qu’à une heure de route à l’est de Los Angeles par la San Bernardino Freeway, mais à certains égards c’est un endroit étranger ; non pas la Californie côtière des crépuscules subtropicaux et des doux vents d’ouest du pacifique, mais une Californie plus rude, hantée par le Mojave juste derrière les montagnes, dévastée par le souffle sec et brûlant du Santa Ana qui s’engouffre entre les cols à 160 km/h, gémit dans les eucalyptus coupe-vent et tire sur les nerfs. Octobre est le pire mois pour le vent, le mois où il est difficile de respirer et où les collines s’embrasent spontanément. Il n’a pas plu depuis avril. Chaque voix semble un cri. C’est la saison du suicide et du divorce et de la terreur rampante, partout où souffle le vent. Les mormons se sont installés dans ce pays inquiétant, puis l'ont abandonné. Mais quand ils partirent, les premiers orangers avaient déjà été plantés et, pendant les cent années suivantes, la vallée de San Bernardino allait attirer des gens qui s'imaginaient pouvoir vivre au milieu de fruits talismaniques et prospérer dans l'air sec. Des gens qui apportèrent avec eux leurs mœurs du Midwest en matière de construction, de cuisine, de prières, et qui essayèrent de greffer ces mœurs sur cette terre. La greffe prit de curieuses façons. » 

— Joan Didion © 1966 / « L’Amérique », Chroniques / éditions Grasset — 
(Photo : vidéogramme d’après « Jerry Cotton G-man Agent C.I.A. », un pulp movie de 1965) 

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mercredi 10 août 2022

Ici ça va

feux

Le feu est reparti hier soir dans une cinétique terrifiante. Un feu monstre. Beaucoup plus rapide et plus violent que la dernière fois. Un incendie plus bref aussi. Mais beaucoup plus destructeur. Le cataclysme impose désormais son propre rythme. Exponentiel comme la macro-économie. Dix kilomètres au nord de la maison. Chaos. La planète fait ce qu'elle a à faire dans son continuum affolant. Dans cet éclat brulant de réalité déferlante et sans nuance. Elle se contrefout divinement de nos angoisses solastalgiques pétrifiées dans nos projets décarbonés. Les incantations névrotiques des éco-activistes et les plans d'investissements du Cac40 pour une année moins énergivore... elle s'en balek, la planète. Elle fait ce qu'elle a à faire. Maintenant. Tout de suite. Ah, au fait... Merci d'avoir pris des nouvelles, ça me touche. Ici, ça va. 


— Dans mes carnets dessinés, fragments of times — 

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mardi 19 juillet 2022

Cendres

 

burningDepuis sept jours, les cartes satellites digitalisées sur les écrans de nos smartphones, nous montrent la progression des deux monstrueux brasiers « en temps réel ». L'un sur la côte atlantique et touristique du Pyla, l'autre vers les terres rurales de Landiras. J'habite au milieu. Entre deux feux. La modélisation du territoire et la numérisation du monde n'ont aucun sens, face au réel lorsqu'on s'y cogne... physiquement. Une minuscule patrouille de canadairs survolle le désastre, perdue dans l'immensité d'un ciel de flammes. Vingt mille hectares de cendres en sept jours. L'équivalent de deux fois la superficie de la ville de Paris. Pendant ce temps, à soixante-dix kilomètres au nord de l'enfer, le bobordelais est inquiet pour son urbaine santé ; les fumées résiduelles de l'incendie lointain lui « picotent » un peu la gorge. Il se rassure avec la courgette bio qui, parait-il, protège l'organisme des particules fines... Les « spectaculaires » progrès de l'IA, du deep-learning et les investissements colossaux de ces dix dernières années dans la digitalisation de l'information et des services, ne nous sauveront pas des cataclysmes environnementaux en cours et à venir. La « déréalisation » – engendrée par les relations virtuelles ayant pris le pas sur les relations sociales incarnées physiquement – empêchera les humains d'agir car ils n’habiteront plus suffisamment ni leurs corps, ni le réel. Même si la fin du monde n'aura pas lieu, elle sera instagramable et disponible en streaming sur tiktok. C'est déjà ça... 

 

— Dans mes carnets dessinés, fragments of times — 

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lundi 4 juillet 2022

Nowhere around

sea-shore

« Things are exactly as they seem 
But I'm nowhere around... 
You're where I was told to go 
If I don't want to be found. » 


— Joseph Arthur / Speed of Light / from the album « Come to Where I'm From », Real World Records © 2000 — 
(Photographie : dans mon Digital Revio, somewhere in homeLandes) 

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mercredi 22 juin 2022

Last trip

last_trip

C'était le vent 
sur la route 
qui faisait avancer 
le ciel. 
Vers l'ici et l'ailleurs, 
Kerouac 
avait semé le bordel 
partout. 
Une galaxie 
constellée d'ornières 
n'a pas le temps 
de s'habiller en phrases ; 
les mots calibrés .22 long rifle 
sont des météorites. 
Et toi... 
Que veux-tu garder 
dans ton joli cercueil ? 
La merde ou la poésie ? 

— Dans mes carnets, écrire des fragments — 
(Dans mon Digital Sketchbook, print) 

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jeudi 16 juin 2022

Analyse

rions_un_peu

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vendredi 3 juin 2022

Summer of Love !

T— Projet estival de tee-shirt activiste, en série limitée, cherche financement participatif, solidaire et responsable — 
(Produit prémium+, certifié « non-clivant ») 

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jeudi 7 avril 2022

Inordination

wonderwhere

Le solipsisme de nos neurotransmetteurs bio-connectés nous exhortait à trouver sacré le caprice des algorithmes. Ainsiab absurdo, nous en étions venus à envier la béatitude des machines. Notre conscience se confondait alors avec la platitude des écrans. 


— Dans mon Digital Sketchbook, fragment of times — 

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mardi 15 mars 2022

Global

pixman2L'artiste de la modernité – celui qui expose ses œuvres sur instagram – est désormais tenté de transformer ses petites érections créatives en NFT. D'aucuns pensaient naïvement que l'ultime projet du « silicon capitalism » était seulement de virtualiser et de marchandiser un des derniers trésors vivants, à savoir les relations humaines connectées. Mais non... 
En fait, le projet est bien plus vaste. Et la spéculation sur la dématérialisation totale de l'art n'est que le début d'une enculade infiniment plus globale. 


Dans mon Digital Sketchbook, fragment non fongible — 

Posté par thierrymurat à 13:40 - Permalien [#]
samedi 5 mars 2022

10ème jour

chars

En temps de guerre, lorsqu'on est très loin du réel qui cogne sur la ligne de front, le « oui mais » légitimise toujours la pleutrerie. Après s'être autoproclamé épidémiologiste de trottoir pendant deux ans, le commentateur du quotidien connecté se mue soudainement en géopoliticien de comptoir. Et quand on n’a pas forcément grand-chose à en dire, le poncif populiste est bien pratique pour participer au bavardage collectif sur le global network. 


— Dans mes carnets, fragment of times — 

Posté par thierrymurat à 20:34 - Permalien [#]