Le roman et la poésie sont morts.
Le propre du vieux con, c’est d’être convaincu que la fin du monde est pour demain. Je suis bien d’accord. Même si je me sens davantage con, que vieux (et ça m’arrange, comme dirait l’autre...).
N’empêche que (tout le monde s’en fou, mais...) le récit romanesque et la poésie sont morts.
La fiction à cédé sa place au reportage. Place au fil d’actu en flux continu, place au réel ! Place au faux journalisme élevé au rang de sous-littérature. Des livres sur les sans-papiers, sur le gaz de schiste, sur les stars de la gastronomie, sur les femmes battues, des récits historiques sur le communisme, le royalisme, le syndicalisme, des biopic en veux-tu en voilà. Du vrai, du bon, du bien réel. Même les romans - graphiques ou pas - n’arrivent plus vraiment à se défaire de cette putain « d’utilité » du réel. La fiction n’intéresse plus personne, faut croire. Où alors il faut du sensationnel, de la politique fiction, par exemple. Ou du gadget en plastoc, de l’entertainment du genre heroic fantasy et compagnie...
La littérature - dessinée ou pas - s’enferme dans un genre : le reportage, vaguement littéraire.
Si « Les fleurs du mal » de Baudelaire ou « La ballade de la mer salée » d’Hugo Pratt sortaient aujourd’hui en tant que nouveautés, les libraires en vendraient à peine 3000 exemplaires de chaque et direction les oubliettes. Amazon ne les aurait même pas mis au catalogue.
On a « réussi » à dépoétiser nos existences, disait Pierre Rabhi...
On s’excite, on s’énerve, on polémique, on prend parti (ou on fait semblant). On ne prend plus le temps de rêver ou de se raconter des histoires qui transcendent le réel. On fait juste du storytelling. Il est désormais, semble t-il, plus urgent « d’expliquer » nos misérables petites vies que de simplement les contempler. Pourtant, contempler le miracle de l’existence aide parfois à mieux comprendre...
Peut-être que le trop plein de virtuel (un trop plein de vide, d’un seul coup) nous a amené, insidieusement, vers un besoin impérieux d’ultra réel - de cinoche en relief - à tout prix.
Stevenson, Jack London, Hemingway et Hugo Pratt sont morts. Ils ne seront pas remplacés. Il faudra faire avec ce qu’ils nous ont laissé et c’est tout.
Pour en finir avec la fiction (et après je me calme...), une citation de Rudyard Kipling : « Cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée ».