De retour du Maroc, où je viens de passer une petite quinzaine de jours, je vous livre, brut de décoffrage, mes impressions et aussi quelques images extraites de mon carnet de voyage.
C'est parti !
Sur la route qui nous éloigne de l’aéroport de Casablanca, le 4x4 de Nordine nous emporte vers les premiers reliefs du Moyen-Atlas. Une musique berbère envahit l'habitacle du Toyota et derrière les vitres teintées, les derniers signaux de la civilisation urbaine s’estompent peu à peu...
Sur un plateau calcaire qui culmine à 1200 mètres d’altitude, le petit village de Sidi Youssef semble installé là depuis toujours. Une quinzaine de maisons, la piste poussiéreuse comme artère principale, une petite mosquée, une école, et c’est tout.
Ici on vit de l’agriculture et de l’élevage. Presque en autarcie. Pas d’eau courante dans les habitations. Aller chercher de l’eau à la source fait partie des nombreuses tâches quotidiennes. Bidons, jerricans, citerne à cheval…
Seule la fée électricité s’est invitée depuis peu. Quelques rares fils électriques en pagaille comme unique symbole du confort moderne.
Sidi Youssef, c'est un peu comme la campagne française avant les années 30. Bien avant que les 38 tonnes n'envahissent nos villages moribonds en bordure de nationale. Ici tout est calme et tranquille...
Je me souviens d’avoir entendu de la bouche d’un ami théoricien sociologue de comptoir – s’appuyant sur le schéma très occidental de la pyramide de Maslow – que l’omniprésence des tâches matérielles quotidiennes serait un frein à toute forme de vie intérieure, à toute spiritualité… En somme, que la réalisation de soi passerait forcément par le progrès technique, par la croissance… Quelle connerie !
Ici, la crise financière on s'en fou. On va chercher de l’eau. On prépare à manger. On fait ses 5 prières par jour. On s'occupe des vaches, des moutons. On s’assoie sur un caillou pour regarder le soir descendre. On donne à manger aux poules. On passe du temps avec ses enfants. On va chercher du bois sec pour le four à pain du lendemain.
Le silence est régulièrement interrompu par les vocalises de l’imam qui s’échappent de la sono de mauvaise qualité, installée sur le toit de la petite mosquée. Les coqs des alentours enchaînent généralement juste après, avec leurs cocoricos déglingués en guise de réponse ou de protestation...
Le coq est con c'est bien connu... Mais à sa décharge, il est aussi laïc !
À Sidi Youssef, nous logeons juste à côté de la mosquée (la maison à gauche sur le dessin ci-dessus), chez Bennasser, un paysan berbère d’une quarantaine d’années, extrêmement touchant par sa générosité et la profondeur de son âme.
« N’oublie jamais ce que ton cœur aime. »
C’est extrait d’un poème berbère. Et c’est écrit là (ci-dessous) par l’ami Bennasser, en berbère mais avec l'alphabet arabe parce que l’amazigh, la langue des berbères, ne s’écrit plus depuis longtemps. Interdit jusqu'au couronnement de mohamed VI. Seule la transmission orale à fonctionné jusque là.
Changement de décor. Haute montagne. 1800 mètres d’altitude. BoutAarart est un hameau de 4 ou 5 maisons accrochées à la pente de terre battue, ravinée par les trop rares pluies uniquement torrentielles. Ici, l’eau du ciel, c’est tout ou rien…
À BoutAarart, pas de mosquée, pas d’école, pas d'électricité. Uniquement le puits au fond d’un ravin où les femmes se retrouvent avec leurs bidons jaunes et leurs ânes. Ici comme en ville, on accueille avec le thé.
À BoutAarart, nous sommes les invités de Houssa et Saïda. La cinquantaine. 10 enfants. Ils ont un troupeau de chèvres et un bout de terre (en pente) à cultiver. Houssa est paysan, mais aussi poète et artiste à temps "perdu"… (Le mot est mal choisi car ici le temps n'est jamais perdu.)
Je ne vais pas faire mon Jean Ferrat, mais c’est vrai que c’est beau la montagne... Surtout avec l’aridité qui donne ce supplément d’âme aux paysages et aux gens.
Voilà. J’aurais encore beaucoup de choses à vous raconter. Beaucoup d’autres dessins à vous montrer. Ce sera pour une autre fois peut-être... Inchallah.
PS : Avant de quitter BoutAarart, je peint à l'acrylique blanche sur une vieille plaque de tôle un petit cadeau pour Houssa et Saïda...
( J'ai toujours préféré la peinture sur rouille à la peinture sur soie... )