Lecture d’une vague
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« En somme, on ne peut observer une vague sans tenir compte des aspects complexes qui concourent à la former et de ceux tout aussi complexes auxquels celle-ci donne lieu. Ces aspects varient continuellement, de sorte qu’une vague est toujours différente d’une autre vague ; mais il est vrai aussi que toute vague est pareille à une autre vague, même si ce n’est pas forcément celle qui la touche ou la suit immédiatement ; bref, il est des formes et des séquences qui se répètent, même si elles sont distribuées irrégulièrement dans l’espace et dans le temps. Comme ce que monsieur Palomar a l’intention de faire en ce moment c’est simplement de voir une vague, c’est-à-dire de saisir toutes ses composantes simultanées sans en négliger aucune, son regard s’attardera sur le mouvement de l’eau qui vient battre le rivage tant qu’il continuera d’enregistrer des aspects qu’il n’avait pas saisis jusque-là ; dès qu’il s’apercevra que les images se répètent, il saura qu’il a vu tout ce qu’il voulait voir et pourra arrêter. Homme nerveux vivant dans un monde frénétique et congestionné, monsieur Palomar tend à réduire ses relations avec le monde extérieur et pour se protéger de la neurasthénie générale cherche, autant qu’il le peut, à garder ses sensations sous contrôle. »
— Italo Calvino, 1983 / « Monsieur Palomar », extrait du chapitre 1.1.1 —
( Photographie : dans mon Digital Revio, homeLandes )