Demain, on brulera les images
Fake news, deepfake, tu dis ?... Mais quoi !?! Ça fait tellement longtemps qu'il n'y a plus de réel partagé. Chacun enfermé dans sa micro-bulle informationnelle connectée en réseaux algorithmés. Chacun dans sa petite réalité sur mesure. Celle qui nous arrange. Les images n'ont toujours été que des récits. Rien de neuf depuis la nuit des temps. Le récit n'est pas le réel. Les images ne sont que des fictions. C'est leur raison d'être. Le réel c'est quand on se cogne, disait Lacan. Voilà la vérité. Et on pourra bien mettre en place des brigades de l'œil ou des milices du regard, ça ne changera rien à l'affaire... Ou alors, ce sera pire encore.
Qu'elles soient dessinées, peintes, photographiées ou générées, les images ne sont — et n'ont toujours été — que des fabrications, des interprétations et des représentations artificielles de la réalité. Attribuer à une image une valeur de réel identique ou supérieure à la réalité, c'est de l'idolâtrie. Il en a toujours été ainsi, depuis l'invention du dessin. Mais depuis l'invention de la photographie, nous en sommes venus à croire qu'une image pouvait être la copie conforme du réel, avec une valeur de preuve. Erreur... Aujourd'hui, dans notre rapport à l'image, il faudrait pouvoir revenir en arrière (rewind, avant l'invention de la photo). Et se remettre à considérer une image uniquement pour ce qu'elle est, et a toujours été : un récit subjectif fabriqué.
Si, pour contrecarrer la médiocrité de la foule qui s'adonne de manière compulsive à une fabrication massive d'images « artificielles », la seule solution est d'instaurer un arbitrage bricolé par des juristes ou des journalistes, alors le merveilleux sera salement amoché... Puisqu'il sera régulé. J'ose espérer que les artistes feront ce qu'ils peuvent pour préserver ce qu'il reste de contemplation et d'illumination au creux de notre humanité comptable qui ne sait qu'énumérer ses ultimes petites propriétés intellectuelles — et surtout industrielles — afin d'essayer de mieux survivre à sa finitude.
— Dans mes carnets augmentés, fragment of times —
(Fake photography promptée et générée sur un réseau neuronal artificiel © Thierry Murat / sur Midjourney)