Rituel
On trouve des statues menhirs un peu partout autour de nous. En Aveyron, sur Guernesey, au Portugal ou aux alentours de Barcelone... Elles ont toutes le même âge : 3000 ans.
Je me demande souvent ce que vont trouver les archéologues, d’aussi puissant et émouvant, dans trois millénaires. Que vont-ils découvrir de nous, qui archivons toute notre précieuse intimité sur le big data ? Nous qui faisons confiance aux réseaux sociaux (tout en les critiquant) pour mémoriser nos insignifiantes petites existences.
Ils ne trouveront certainement rien. Les données numériques auront été vraisemblablement effacées par un bug géant, un orage cosmique ou une main malveillante (ou bienveillante ?) qui aura tout désintégré d’un simple clic. Il ne restera que des unités de stockage, vides et rouillées.
Il m’arrive parfois d’enterrer des clés usb au fond de mon jardin. J’y mets des scans de dessins inédits et inavouables, des poèmes érotiques jamais publiés nulle part ailleurs que sur mon ordi. Et d’autres bricoles anecdotiques...
Je me dis que même si la coque plastique et la connexion métallique de la clé se décomposent, il restera au moins le silicium, cette mémoire de sable non connectée, compacte, imputrescible et inatteignable.
Ce rituel profondément minéral et païen m’empêche, en quelque sorte, d’avoir la nostalgie de l’avenir.
– Dans mes carnet, dessins en vrac / Écrire des fragments monolithiques –