cosmiXtrip #1
— Dans mes carnets, fragments de cosmiXtrip / Thierry Murat © 2020 —
— Dans mes carnets, fragments dessinés en pensant à Giorgio De Chirico —
Le chancre pandémique
de l'ignoble siècle jeuniste et planétaire
décime les anciens et leur mémoire de pierre.
La Camarde ne me fait pas peur.
Non.
J'entretiens avec elle une relation
étrangement intime
depuis quelques millénaires.
Mais dans ma tendre misanthropie,
j'ai peur de crever
contaminé par cette hideuse
race posthumaine
biberonnée à la télé réalité
et dépucelée sur youtube.
Je veux pas finir infecté
par cette misérable armée
de cloportes humanoïdes,
neurasthéniques et cyberconnectés
à l'ultra-bêtise du monde.
Leave me alone,
peuple maudit.
— Dans mes carnets, fragments —
— RANXEROX / Tanino Liberatore © L'Écho des Savanes, 1981 —
Le temps
de l'attente
est dans la terre.
Le vers du poète
est dans le fruit.
Pourriture
céleste,
donne-nous
l'azur !
Les nues.
— Dans mes carnets, fragments —
— SUMMER BLONDE / Adrian Tomine © Drawn & Quarterly publishing, 2002 —
« La poésie se distingue de la littérature comme le désir d'être se distingue de la gestion de l'avoir. Elle ne cherche pas des significations mais le sens, le sens qu'il y a à vivre. »
— Yves Bonnefoy —
(Photographie : Portrait de Charles Baudelaire par Félix Nadar,
vers 1855 / Négatif sur plaque de verre)
— BLUE / Kiriko Nananan © Magazine House, Tōkyō, 1996 —
Au loin
le ciel cogne
sur un tambour de guerre
éventré
Pendant
que chacun règle
ses comptes d'apothicaires
étriqués
Là-bas
le vent mauvais
des gourous
trafique la rumeur
On aurait dû
si seulement si
on n'avait qu'à
si j'aurais su
— Dans mes carnets, fragments —
Chacun a sa tragédie privée.
Le rentier de gauche
comme le vagabond des étoiles.
Le moine comme la putain.
Chacun se considérant
comme une nécessité première.
Chacun se croyant unique
dans son misérable égoïsme.
Vouloir faire commerce universel
de sa propre tragédie,
c'est l'imposture des impuissants.
La posture des lâches.
Le philosophe ne sait
que théoriser
le drame de l'existence.
Le journaliste d'investigation
et le médiocre romancier
ne font que transformer
les blessures intimes
en pièces à conviction.
Pour guérir du chaos du monde,
adressez-vous au poète.
À personne d'autre.
— Dans mes carnets, fragments —
Eostre tarde à se lever.
L'indolente équinoxe
traîne encore au lit
des ruisseaux
et dans les draps blancs
du vieil hiver.
Aux creux de l'aube,
le flou du dernier sommeil
de la dernière Lune
rêve encore un peu
d'un inéluctable réveil
des consciences.
Puis Eostre se lève enfin.
Lascive.
Offrant
sa croupe
aux semences
de feu.
— Dans mes carnets, fragments printaniers —
(Photographie : Arthur F. Kales, 1920)