Il y a un cerbère à l'entrée de mes souvenirs, qui veille sur mes secrets fatigués. Indestructible et fier, je regarde comme lui, l'humaine souffrance se désagréger lentement dans sa carapace de glace.
De l'autre côté de la colline, les prédicateurs acharnés éructent encore. En étouffant leurs propres enfants, ils crachent des prières faciles pour les petites gens. Plus bas dans la vallée, la femme frigide se donne du plaisir avec ses doigts mutilés. Son sexe scarifié n'est plus qu'une brulure de haine. Une plaie de braise. De la viande triste. Paralysée par ses intimes défaites.
Désormais je vois plus loin que l'horizon de fiel, insensible aux larmes de sang qui s'écoulent de mes yeux bouffés par les corbeaux.
Je regarde enfin le ciel.
Et toi tu es là. Depuis l'année où je suis revenu de la guerre. Tu n'as pas bougé. Tu veilles sur mes blessures. Tu m'enveloppes de ton amour séculaire et neuf de chaque instant. Me ramenant à la vie tous les matins. Dans une lumière crue et blanche comme ta peau. Belle comme la lune en plein jour.
Je t'aime.
– Dans mes carnets, mots en vrac, écrire des fragments de journal de guerre,
et puis soigner ma conjonctivite –
(rien à voir avec mon nouveau livre en cours)